Expéditon au Lénine (7134m) - Aout 2019
- ChrisTian
- 16 oct. 2019
- 21 min de lecture
Dernière mise à jour : 23 oct. 2019
Des sommets de plus de 7000m il y en a quelques centaines sur notre planète. Ils sont tous situés sur l’immense chaîne de montagnes qui barre l’Asie, de la Chine centrale à l’est en passant par l’arc Himalayen, le Karakoram, le Pamir et le Tien Shan à l’extrémité du Kirghizstan.

Alors lequel choisir. Evidemment le Népal offre de nombreux choix mais je voulais aller voir ailleurs. Le Snow Leopard Award consiste à gravir les 5 sommets de plus de 7000m de l’ancienne URSS qui sont aujourd’hui situés au Tadjikistan et au Kirghizstan. Le choix est fait d'aller faire un tour du coté des pays en ...stan.

Fin décembre 2018 je pars faire un raid Ski Rando au Kyrgyzstan pour découvrir la région et prendre les 1er renseignements sur ce fameux pic Lenine (7134m) annoncé comme un 7000m techniquement accessible. 3 semaines après mon retour du raid à skis, je rappelle Fabien de Nomad’s Land pour lancer le projet LENIN PEAK - ETE 2019.
Préparation :
A partir d’un programme classique qu’on peut trouver en agence, je demande quelques aménagements. Je souhaite avoir 3 jours tampon après la période d’acclimatation pour choisir le jour de l’ascension en fonction de la météo ou de la forme du groupe. François a la bonne idée de me suggérer un petit trek avant de rejoindre le camp de base pour améliorer l’acclimatation qui est le paramètre le plus important pour la réussite du sommet. Avec tous ces éléments, Fabien va nous préparer un programme sur mesure.
Pour la constitution du groupe je souhaite rester sur un petit nombre, 3 à 5 maxi. Des personnes que je connais et avec qui je sais qu’il n’y a aura (a priori) pas de problèmes de cohésion. Evidemment François est tout de suite partant, Jonathan confirmera lui aussi rapidement. D’autres ont hésité mais le groupe restera à 3 ce qui au final est le nombre idéal pour progresser en cordée (4 avec le guide) et pour la logistique de l’expédition.

La préparation du matériel et de la logistique va demander quelques échanges avec Fabien et mes compagnons. Le pic Lenine est un sommet relativement fréquenté en été, des treks sont organisés jusqu’au camp de base et même au camp1 et certains viennent faire le pic Razdelnaya (6185m) en bordure du camp3.
4 ou 5 agences locales gèrent les camps, elles proposent location de tentes sur tous les camps, repas chauds au camp de base et au camp1 et même du Wifi pour Jonathan ;-)
François et Jonathan sont de mon avis un peu de confort ne peut qu’améliorer nos chances de réussite. Nous nous affranchissons donc de la logistique des tentes, leur transport et les multiples montages/démontages aux différents camps sont une dépense d’énergie importante. Nous aurons nos 2 tentes à disposition dans chaque camp pendant la période d’acclimatation et d’ascension nous permettant d’organiser notre programme comme bon nous semble. Idem pour les repas chauds au camp de base et au camp1, bien manger est aussi important. Nous monterons la nourriture et les réchauds uniquement sur les camps d’altitude C2 et C3.
Un choix sur lequel j’ai longtemps hésité pendant la préparation est : guide ou pas guide. Le niveau technique nécessaire à l’ascension du Lenine est à notre portée. Après plusieurs discussions avec Fabien le choix de prendre un guide local est finalement décidé. Son expérience et sa connaissance du sommet seront précieuses. Nous sommes au Kirghizstan on y parle kyrgyz ou russe et un peu anglais, un guide local saura trouver les bonnes informations et facilitera les éventuels problèmes de logistiques.
Dimitri (Dima) sera notre guide, un solide gars d’une quarantaine d’année ayant gravi le Lenine plusieurs fois, à la personnalité slave difficile à cerner pour nous latins mais très pro. Il sera un élément important dans la réussite de l’expédition. Il ne sera d’ailleurs pas que notre guide de montagne, il restera avec nous durant tout le séjour.

Début avril notre programme est calé, ce sera 25 jours tout compris avec un départ de Paris le 24 juillet et un retour le 18 août.
François et Jonathan ne se connaissent pas, je leur propose un weekend chez moi à la montagne pour faire connaissance et pour valider le matériel d’autant que tous les 2 ont investi dans des chaussures de haute altitude toutes neuves. Les emplois du temps de chacun font qu’on se retrouve mi-juillet à seulement quelques jours du départ pour une journée dans le Dévoluy sur un des derniers névés de la saison. Rien de mieux que le plateau de Bure pour préparer un 7000m.
Le 25 juillet nous sommes à l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle pour le départ de notre expédition. Il n’y a pas un grand choix de vol pour cette destination ce sera donc un vol Aeroflot avec un escale à Moscou. 1ère déconvenue le vol Paris-Moscou est affrété Air France et quand on connaît le système d’enregistrement de notre compagnie nationale on n’a pas de quoi être fier. Heureusement que nous nous sommes présentés 3h avant le décollage sinon on raté l’avion. De plus le bagage de François est hors gabarit alors que c’est un sac de voyage classique, il faut aller le déposer au comptoir spécialisé, ça sent les embrouilles à la correspondance. Bref je ne m’étendrai pas plus sur le sujet.
On quitte enfin le territoire direction Moscou, l’aventure commence. A l'escale dégustation de bière locale puis embarquement dans un vrai vol Aeroflot pour Osh.
L’avion est récent, l'hôtesse chef de cabine moins, elle a dû jouer le rôle de la méchante dans les films à l'époque de la guerre froide, ça ne rigole pas. Tu n’as pas vraiment envie de lui demander quelque chose. Les hôtesses de la compagnie russe ont conservé la tenue soviétique, rouge vif avec le marteau et la faucille brodés sur les manches. Ambiance !
Posés à Osh à 4h du mat on débarque dans le petit aéroport. Attente des bagages sur l’unique tapis et comme on le craignait, pas de bagage de François. Nous ne sommes pas les seuls à attendre en vain, il semble que le fait soit coutumier. Je vais récupérer Dima notre guide qui nous attend à l’extérieur pour qu’il nous aide auprès des autorités locales. Après quelques heures de palabres on nous demande de repasser le lendemain, le bagage arrivera peut être avec le vol suivant. On rejoint notre hôtel en croisant les doigts car nous devons quitter la ville demain matin. Dima passera avant notre départ à l’aéroport.
La journée est consacré au repos et à une rapide visite de la ville et du temple de Salomon creusé dans la colline dominante. Repas du soir en ville dans un restaurant typique où l’on a très bien mangé comme ce sera le cas pendant tout le séjour.
Samedi matin pendant le petit dej à l'hôtel où Fabien nous a rejoint on apprend que Dima a récupéré le bagage de François à l’aéroport, soulagement général. Vers 10h on embarque dans un minibus avec tout le matériel direction le village de départ du trek. On quitte la ville pour 4h de route. La route devient piste et prend doucement de l’altitude.
Nous sommes accueillis chez l’habitant dans un petit village à 2200m d’altitude. La plus grande pièce de la maison est mise à notre disposition pour le dîner et la nuit.
Dans l’après-midi Dima nous propose une balade dans les environs jusqu’à une cascade dans un paysage rocheux digne du grand Canyon.
Dimanche matin après un copieux petit dej en terrasse c’est le départ du trek.

Le matériel lourd est transporté par 2 chevaux qui vont nous accompagner avec leurs guides pendant les 3 jours de trek.

La piste s’enfonce dans la vallée en montant progressivement vers les alpages.
Pose à mi-parcours dans un camp de berger où la famille nous offre le thé, le jeune berger est en train de tondre au ciseau à main une partie de son troupeau.
On poursuit notre progression jusqu’à 3300m où nous trouvons un coin sympa pour monter le camp. Les 2 tentes sont rapidement installées et nous préparons le repas. Un troupeau de Yaks visiblement pas d’accord qu’on viennent s’installer sur leur alpage tente de nous déloger mais Dima intervient auprès du yak en chef pour négocier la nuit.
Le 29 juillet nous passons la cote 4000 en montant vers le col Jiptik (4185m). On abandonne la végétation pour les cailloux et la neige. Au col le vent n’est pas trop fort, la température supportable, Dima nous propose de stopper 1h pour s’acclimater. Jonathan en profite pour prendre sa position préféré à l’horizontale. Dormir et manger seront ses activités principales pendant tout le séjour ;-)
Du col on aperçoit au loin le pic Lenine planté au milieu d’une énorme chaîne montagneuse. Il semble à la fois proche et lointain.

Après notre longue pose au col nous descendons plein Sud vers notre objectif que nous aurons désormais toujours en point de mire. Pose pique-nique dans les 1ère prairies puis nous atteignons un nouveau camp de yourte posé dans un paysage somptueux à l’extrémité d’une piste carrossable. Un véhicule doit venir nous récupérer pour traverser l’immense vallée de 10km de large qui nous sépare du camp de base du Lenine. On attendra 2h le chauffeur ce qui nous laisse le temps d’aller dire bonjour aux marmottes locales omniprésentes dans les alpages et de jouer avec les enfants du camp, hein François !
Le véhicule arrive enfin, le chauffeur tente de discuter le prix avec Dima mais on ne négocie pas avec Dima ce sera le prix convenu, point. Il y a une peu de Poutine parfois dans notre guide.
Après 2h de piste nous sommes posé dans une guest-house de Sary-Mogol, petit bourg triste sur la route qui traverse la vallée et où on ne trouve même pas une bière à boire. Un endroit à oublier.
Le lendemain matin nous sommes content d’entrer enfin dans le parc du Lenin Peak. 32km de piste qui nous prendront presque 3h à serpenter dans les prairies, traverser les rivières à gué et monter doucement en altitude.

Nous arrivons enfin au camp de base à 3600m d’altitude. Ou plutôt aux différents camps de base car il y a une petite dizaine de camps éparpillés dans le grand bassin glaciaire du Lenine. Nous sommes au camp ITMC du Kyrgyz Alpine Club, un des plus petit avec seulement une dizaine de tentes mais convivial et ça nous va bien.
Après le déjeuner Dima nous propose une petite balade de 2 ou 3h autour des lacs du plateau avec une petite butte de 200m+ pour dérouiller les gambettes.
Nous sommes le 30 juillet c’est l’anniversaire de notre grand Jo. A la fin du dîner sans que nous soyons prévenu la cuisinière lui a préparé un gros gâteau. Belle attention que nous apprécions. Nous proposons à la table voisine où dîne le chef de camp de partager notre gâteau. Et hop, il dégaine la bouteille de vodka et nous sommes ravi de partager avec eux cet anniversaire. Après le 3e verre il faut à regret s'arrêter car on a un truc à faire dans les prochains jours. Je l’apprendrai plus tard par Fabien mais le solide moustachu qui nous a offert la vodka n’est autre que Vladimir Komissarov, légende de l’alpinisme local et président du Kyrgyz Alpine Club, un présage car nos diplômes d’ascension seront signés de sa main.

31 juillet, journée au camp de base nous continuons l’acclimatation douce. Ce matin montée par la crête vers un des sommets (4700m) qui domine le camp. Nous restons en mode trail nous monterons autant qu’il est possible jusqu’à la limite de la neige. Nous parviendrons à 4350m juste sous les 1er rochers enneigés. Le descente se fait par un couloir pentu en gravier dans lequel on peut se lâcher. La pluie nous accueille à l’arrivée. La météo a été jusqu’à présent très estivale, elle restera globalement bonne pendant tout le séjour.
Après-midi libre c’est l’occasion de faire un tour dans les autres camps et de tomber par un pur hasard sur le seul bar du coin pour s’hydrater.
1er août - camp1 (4400m). Ce camp est en réalité plus un ABC (Advanced Base Camp) qu’un 1er camp d’altitude. En principe on ne redescend pas au camp de base pendant la phase d’acclimatation et d’ascension. La montée se fait en chaussures de trail. Il faut remonter l’immense moraine qui longe les différents glaciers du bassin, les paysages sont grandioses.
Un col à 4150m permet de basculer sur la zone des camps. Ici aussi il y en a plusieurs disséminés sur les moraines, le notre est composé d’une dizaine de tentes, d’une yourte pour les repas et d’une baraque en dur pour la cuisine. Les 2 cuisinières nous accueillent avec le sourire. Elles vont nous chouchouter chaque jour que nous passerons au camp1. Nous partageons le camp avec des japonais, des taïwanais, des suisses et des anglo-saxons d'origine diverses. Ces derniers un peu bruyants sont les préférés de Jonathan ;-)
Nous pouvons maintenant apercevoir la 1ère partie du parcours qui monte sur le glacier et notamment la zone des crevasses. Le camp2 lui n’est pas visible.
2 août - acclimatation à 5000. Le pic Yakhina (5150m) domine notre camp et c’est un itinéraire classique de l’acclimatation. Même si son sommet est enneigé son ascension ne nécessite pas de chausser les grosses. Le final est assez raide et l’altitude commence à se faire sentir. Le sommet est dans les nuages et la vue nulle. Une tente est occupé par 3 gars qui sont venus parfaire leur acclimatation. Nous restons un petite heure au sommet, nous aurons droit à 5mn d’éclaircie pour apercevoir le Lenine qui semble à portée de main.
Descente au camp et repos pour le reste de la journée. Comme tous les soirs au diner nous faisons un petit point avec Dima sur le programme du lendemain. 2 choix pour le lendemain, soit nous remontons au sommet du pic Yakhina avec les tentes pour y passer une nuit soit nous montons au camp2 à 5300m. Nous sommes impatients d’attaquer l’alpinisme, le choix est vite fait, demain nous sortons le matos. Départ prévu 4h.

3 août - Petit dej à 3h30 préparé la veille par nos cuisinières et départ à 4h enfin presque on est un peu à la bourre. La préparation matinale ne sera pas notre fort nous serons toujours un peu en retard par rapport aux horaires de départ annoncés la veille par Dima.
Les grosses aux pieds, casque et frontale sur la tête nous voilà partis pour la 1ère montée aux camps d’altitude. Il nous faut 1h pour traverser les 3 bras de glacier et les moraines qui séparent notre camp du pied du glacier. Chaussage des crampons et encordement à l’aube.
Derrière nous une silhouette se prépare, on le distingue mal dans l’obscurité. Il a une énorme masse noire à côté de lui et une paire de ski. J’interroge Dima, c’est bien Salva le célèbre porteur du Lenine. Un guide-porteur qui passe la saison à porter le matériel des grimpeurs jusqu’au camp2 et camp3 entre 2 ascensions du sommet. Et ses chiffres sont à peine croyables, jusqu’à 70kg sur le dos et toujours en short et tshirt jaune.

Les skis lui permettent de descendre plus rapidement pour remonter aussitôt.
Nous ne sommes pas seuls sur l’itinéraire, toutes les cordées partent à peu près à la même heure et les 1er franchissements de crevasse bouchonnement parfois quelques minutes mais rien de méchant. Dima prendra souvent un itinéraire bis pour dépasser une cordée plus lente. Notre groupe est homogène nous sommes en forme et Dima l’a vite remarqué. Les temps de montée habituels seront régulièrement revus à la baisse. Nous souhaitons tout de même restés prudents pour ne pas se cramer, je calmerai souvent l’ardeur du groupe sur cette 1ère partie car mes 2 compagnons sont plus affûtés que moi.
Vers 7h le soleil vient nous lécher et la température grimpe d’un coup. Protection solaire maximum obligatoire, on peut se faire brûler en quelques heures à ces altitudes sur un glacier. Il nous faudra 3h pour passer la zone de crevasse, à plusieurs reprises des cordes fixes de sécurité sont installées mais leurs arrimages semblent parfois douteux. On clippe simplement un mousqueton sur ces lignes de vie. Encordés à 4 et en progression corde tendue, la sécurité de notre cordée est bonne ce qui n’est pas le cas de tous ceux que l’on croise.
Après un dernier raidard nous arrivons dans la zone surnommée la poêle à frire. Une longue zone relativement plate et avalancheuse en forme de cuvette qui est un vrai four solaire, la température peut dépasser les 30°C à 5300m.
On aperçoit au loin le camp2. Dima décide de nous désencorder pour traverser en nous disant : comme ça si ça part, le groupe ne sera peut être pas emporté totalement, sympa et rassurant. Nous sommes à 5300m mais autant dire que nous traînons pas dans la zone. En 2017 une avalanche de surface partie depuis le sommet avait coupé la trace de montée sans faire de victime. Il est encore tôt dans la matinée, en principe le manteau neigeux est stable. On aura traverser 6 fois au total cette zone entre les montées et les descentes.

2 ou 3 petites crevasses au pied du camp2 et nous voilà arrivés. Un peu moins de 7h de montée on est bien entamés mais côté acclimatation tout semble OK. Pas de maux de tête et l’estomac reste calme.
Nos 2 tentes ne sont pas cote à cote, le camp est réparti sur 2 zones. L’une en partie basse sur le plat assez proche des crevasses et l’autre sur une zone pentue et caillouteuse proche des rochers. Ce camp2 est vraiment pourri, il est mal placé et en pente, il y a des déchets partout et la zone de toilettes n’est pas vraiment définie. Il faut faire avec. On s’installe tranquillement, corvée d’eau pour la nourriture et la boisson. La météo est au beau fixe la température positive.
Dima nous donne rendez-vous à 17h pour une petite montée de 150m+ sur la crête juste au dessus du camp. Jonathan qui est dans la tente du bas préfère se reposer nous ne monterons qu’à 3. De la crête belle vue sur le Lenine et sur le parcours bien raide qui monte au camp3 mais ce sera pour plus tard. On redescend aux tentes pour la nuit.
La nuit s’est bien passée, nous entamons la descente vers 7h du matin pour bénéficier d’une meilleure qualité de neige notamment au niveau des crevasses. Nous retrouvons le camp1 à midi où le déjeuner nous attend. Demain c’est repos.
5 aout - jour de repos et Lenin Race
Depuis 2012 chaque été se court la Lenin Race. Cette course peut paraître banale avec des mensurations honorables : 14km avec tout de même 2734m D+ mais si on regarde de plus près on découvre que le départ est donné à 4400m d’altitude et l’arrivée est au sommet du pic Lenine à 7134m ! Autant vous dire que la course est réservée à quelques fadas spécialistes et hyper acclimatés. Cette année la course est prévue entre le 4 et le 6 aout, j’ai fait en sorte de caler nos dates pour que nous soyons sur place le jour de la course et ainsi voir cette poignée d'extraterrestres capables de monter au sommet du Lenine en moins de 9h depuis le C1. Le départ est donné à 4h ce 5 août et comme c’est notre jour de repos nous décidons de nous lever pour voir partir les 12 inscrits. La veille nous avons discuté quelques minutes avec Serge un des 2 français engagés et qui vient pour la 3e fois sur la course après 2 échecs. Suivant les années il n’y a pas toujours de finishers, cette année sera une grosse édition, 5 hommes et 2 femmes seront classés. Le vainqueur autrichien en 5h10 ! (et ce n’est pas le record) suivi d’un népalais à 30mn, notre compatriote Serge est finisher en 8h40. Chez les féminines une russe gagne en 8h10 suivi d’une espagnole qui termine en 9h05 légèrement après le cut off mais qui sera tout de même classée.
Serge est le 1er français à inscrire son nom sur cette course, bravo à lui qui était sur place depuis 1 mois pour sa préparation.
La journée de repos fait du bien, on s’acclimate en glandant au camp. On prépare le matériel pour la prochaine montée et on fait un peu les cons dans les tentes. Jo dépense son argent de poche en achetant des forfaits Wifi.
6-7 aout - acclimatation : montée au camp3 (6060m).
C’est reparti pour une montée au camp2 à 5300m où nous passons la nuit. On constate que la zone de crevasses entre C1 et C2 évolue rapidement. Certains ponts de neige et franchissements ne sont plus praticables.

La montée jusqu’à la poêle à frire à 5300m reste physique. Ce matin je ne suis pas en forme j’ai l’impression de ne pas avancer et d’être tout de suite au taquet. Je me place en 2 sur la cordée et je demande à Dima de monter cool. Finalement après 1h de warm up je me sens mieux et je donne mon ok à Dima quand il me demande si on double ou pas.
7h environ pour arriver au camp2 notre rythme est resté bon. Nous retrouvons nos tentes dans lesquelles nous avions laissé du gaz et un peu de nourriture.
La montée au camp3 est plus courte, environ 3 ou 4h mais elle commence par un mur de 150m D+ bien cassant. Après une partie en faux plat montant on arrive au pied d’un long raidard de 400m D+ qui se redresse au fur et à mesure. Cette montée est terrible car on l’aperçoit de loin et on y voit tous les grimpeurs scotchés dans le final.
Ce matin Dima nous autorise une grasse mat avec un départ vers 9h. Nous avalons la 1ère montée au rythme et nous faisons une pose sur le replat en regardant au loin le mur final. Pas d’encordement sur cette partie nous sommes sur une large crête avec une bonne qualité de neige. Nous allons monter chacun à notre rythme tout en restant relativement groupé.
Le mur démarre vers 5600m, la 1ère partie peut se faire dré dans le pentu mais dès la seconde moitié nous devons progresser en Z à cause de la pente. François est partie devant comme une balle, je suis avec Jonathan. L’altitude se fait sentir nous faisons de courts arrêts réguliers pour reprendre notre souffle. Il nous faut 1h40 pour les 400m+ ce qui à 6000m n’est pas si mal. La montée débouche directement sur le camp3 posé sur une grande bosse.
La météo est au beau fixe et la vue est superbe notamment sur le pic Razdelnaya (6148m) qui forme un dôme parfait juste à coté du camp.

Contrairement au camp2 les tentes sont ici installées à plat et le camp est plus sympathique. Il y a quand même un peu de monde car le camp3 et le pic Razdelnaïa à 6148m sont un objectif pour nombre de personnes qui ne se lancent pas sur le Lenine. Nous sommes là pour l’acclimatation, nous nous installons tranquillement. Ici pas d’eau il faut donc faire fondre la neige pour la nourriture et la boisson. Dans l'après-midi nous observons les grimpeurs qui redescendent du sommet ou qui ont fait demi-tour. Quand on regarde le parcours jusqu’au sommet on se dit que ce n’est pas gagné. Depuis le camp3 l’arête qui mène au sommet fait 6km avec 1200m D+. Pour l’instant on y pense pas trop on redescend au camp1 demain matin.
8 août - retour au camp1 :
La nuit à 6000m s’est bien passé, pas de problème de MAM, pas de maux de tête et l’estomac fonctionne toujours, c’est bon signe. Départ 7h pour un grand schuss jusqu’au camp1. Dans la 1ère partie du mur François tente une figure de style il part tête la première en emportant Dima au passage. Ils se rattrapent rapidement. Nous sommes au camp2 en 1h. Courte pose et on enchaîne la suite. Vers midi nous rentrons au camp1 où nous sommes content de trouver un bon repas après 2 jours de lyophilisés.
9 aout - repos et fin de l’acclimatation.
La phase d’acclimatation se termine enfin. Notre programme semble bon nous n’avons pas souffert de l’altitude jusqu’à présent et nous sommes physiquement bien. Nous devons maintenant préparer l’ascension. Nous avons nos 3 jours tampon, Dima nous propose de redescendre 1 ou 2 jours au camp de base à 3600m pour parfaire notre acclimatation. Nous ne sommes pas très emballés par sa proposition, toutes nos affaires sont au camp1 et les traversées de moraine pour rejoindre le camp de base ne sont pas un terrain très intéressant. Nous prendrons une décision ce soir avant le diner. Dans l’après-midi nous arrivons à nous convaincre que c’est peut être un bon choix de descendre 1 journée.
Dima nous rejoint pour le diner et surprise il nous annonce que nous partons pour le sommet demain matin. Des vents forts jusqu’à 70km/h sont annoncés sur le sommet à partir du 14. Demain est le 10 aout, il faut 3 jours depuis le camp1 pour monter au sommet donc pas le choix. Nous sommes finalement content de partir pour le sommet demain matin.
10 aout - camp2 et le chat noir stéphanois
Nous connaissons maintenant assez bien le parcours il nous faut environ 7h pour atteindre le camp2. La motivation n’est pas la même quand tu sais que tu es là pour tenter le sommet. La météo est toujours calme et le moral est bon.
Dans l’après-midi nous glandons dans la tente, j’entends un gars tenter d’expliquer à l’équipe du camp dans un anglais très approximatif qui ferait passer François pour Shakespeare qu’il a un problème avec son réchaud, je devine qu’il est français. Il se fait refourguer une bouteille de gaz à 10$ et il remonte à sa tente. En passant devant nous je lui demande si tout va bien, il est heureux de pouvoir discuter avec nous. C’est un jeune de 25 ans environ, de St Etienne, qui vient faire le Lenine seul ! Et visiblement il n’a pas beaucoup d’expérience en montagne quand je vois comment sont fixés ses crampons sur ses chaussures. Des amis lui auraient dit que les réchauds à gaz type Jetboil ne fonctionnent pas bien à 6000m il a donc pris un réchaud essence mais il n’a pas pu passer l’essence à l’embarquement dans l’avion (si si il a essayé!). Du coup il s’est fait prêter un vieux réchaud à gaz qu’il n’arrivera jamais à allumer. Il a aussi percé son matelas en rentrant dans la tente avec les crampons et casser le support de toit de sa tente toute neuve. Bref le genre de chat noir qui cumule toutes les emmerdes et que tu es content de ne pas avoir dans ton groupe. On le retrouvera au camp3 le lendemain et je prendrai 5mn pour lui expliquer comment fixer ses crampons. Nous lui prêterons notre réchaud . Ce sera aussi le 1er à faire demi-tour le jour de l’ascension.
11 aout - montée camp3
La montée au camp3 est toujours aussi raide mais quand tu l’as déjà faite elle passe mieux. Dima nous annonce un départ pour le sommet demain à 5h du matin ce qui me semble un peu tard. Nous serons d’ailleurs les derniers à quitter le camp.
12 aout - jour de sommet
Au lever il y a du vent et ça caille sec sur cette bosse que rien ne protège du vent. Equipement complet avec toutes les couches disponibles 5 en haut, 2 en bas, 2 sur la tête et 3 sur les mains. Le départ à la frontale débute par une descente au col où l’on perd environ 100m de dénivelé. On attaque ensuite une grosse montée raide de 500m+ en mixte qui alterne passages sur neige et zones rocheuses. Les moments face au vent piquent un peu on rentre la tête dans les épaules en essayant de ne rien laisser dépasser. On croise rapidement les 1er qui renoncent au sommet dont le jeune stéphanois.
Il nous faut 3h30 pour sortir sur le replat à 6500m. Je n’ai pas de bonnes sensations en ce début d’ascension, j’avance mais ce n’est pas la grosse forme. François et Jonathan semblent mieux.
Le jour s’est levé nous arrivons sur la zone du rasoir. 100m à 45° sur l’arête. Une corde fixe est installée pour faciliter le passage ce sera la seule occasion d’utiliser nos bloqueurs, la neige n’est pas trop dure les crampons accrochent bien. On débouche à 6800m sur un long plat avant le final. Ca fait presque 7h que nous avons démarré et Dima nous annonce encore 2h environ pour le sommet. Petit stop pour faire le point car je suis plus lent que les autres et le timing risque d’être juste pour la descente. Le final est une succession de bosses interminables sur le plateau sommital sans risque particulier. On décide de se séparer pour permettre à François et Jonathan d’assurer le sommet. J’avance avec Dima on avisera dans 1h si nous avons le temps pour le sommet.
Finalement sur ce final je reprends un meilleur rythme et je me motive en regardant mon altimètre 6900m, 6950m, 7000m, 7050m, ... A chaque bosse je cherche le sommet, il faudra franchir 6 bosses avant d’apercevoir le drapeau. 300m avant le sommet nous croisons François et Jonathan qui redescendent ils ne pouvaient pas attendre trop longtemps à cette altitude. Mais je sais que je serai moi aussi au sommet.
Le 12 aout à 14h00 je suis au sommet du pic Lenine à 7134m, il m’aura fallu 9h depuis le camp3 pour gravir les 1200m+.
Nous sommes seuls et heureux avec Dima de pouvoir faire une photo à côté du buste de Lenine même si la vue est bouchée, le sommet est dans les nuages.
15mn au sommet et il faut penser à descendre. Il nous faudra 4h pour atteindre le col au pied du camp3 et encore une bonne heure pour remonter les 100m+ jusqu'au camp.
J’arrive aux tentes du camp3 après plus de 13h de balade entre 6000 et 7000m, bien fatigué mais heureux que nous soyons tous allés au sommet et rentrés au camp en bon état. Il manque juste la photo en groupe au sommet. L'objectif est atteint est notre guide Dima est heureux d'avoir monter 100% de son groupe au sommet ce qui ne lui été pas arrivé depuis longtemps. Le taux de réussite au Lenine est annoncé inférieur à 30%.
Notre plan d'acclimatation à l'altitude a parfaitement fonctionné nous n'avons eu aucun symptôme du MAM contrairement à beaucoup de personnes croisées sur le parcours, même l'anorexie d'altitude nous a peu touché. Voici notre progression en altitude au cours de l'expédition :

François est dans la tente depuis longtemps, je quitte mes affaires et je plonge dans mon sac de couchage, le sommeil ne sera pas difficile à trouver.
13 aout - retour au camp1
Départ du camp3 vers 7h après les félicitations des responsables du camp3 et les encouragements à ceux qui tenterons plus tard le sommet. Nous avons le sourire, notre état physique est très correct nous sommes impatients de retrouver le camp1 pour fêter notre ascension.
Court arrêt au camp2 pour récupérer quelques affaires et nos déchets à descendre. Dernière traversée de la zone avalanche puis on plonge sur le bas du glacier à travers les crevasses.
Nous arrivons au camp1 vers midi. Quitter les chaussures d'altitude est un vrai plaisir. Dima a prévenu de notre arrivée le repas est prêt. Les cuisinières du camp nous ont préparé un beau gateau. C'est aussi l'occasion de sortir le génépi du Dévoluy que tout le monde apprécie au camp même les anglais c'est dire !

14 aout - retour au camp de base
Après avoir charger les sacs sur les chevaux départ pour le camp de base en chaussures légères. La descente de la moraine nous semble facile. Nous prenons le temps d'apprécier une dernière fois le paysage.
Franchissement du dernier col comme des éterlous.

Les prairies du camp de base approchent, le superbe bus du Kyrgyz Alpine Club est monté nous récupérer au bout de la piste.
Arrivée au camp de base où nous pouvons nous laver avec une bassine d'eau chaude et revêtir une tenue plus touristique.
Après une journée de repos au camp de base il faut se résoudre à rentrer. 300km de route dans le mini bus de Dima pour rejoindre Osh, on salue le Leopard des neiges au passage.
Un bon repas au bord de la rivière le soir où l'on goute la vodka locale avant de dire adieu à Lenine.
Nous passons chez le barbier avant de prendre l'avion pour retrouver une apparence humaine avant de rentrer. François aura encore des petits problèmes à l'embarquement à cause du poids de son sac, il devra garder les grosses aux pieds dans la cabine.
Notre expédition a été une belle réussite. Ca a été un plaisir de partager ces 25 jours avec mes potes François et Jonathan. Dima a été un guide et un compagnon parfait pendant le séjour. Et un grand merci à Fabien de Nomad's Land qui nous a organisé cette expédition sur mesure de façon magistrale.
1 sur 5 pour le Snow Leopard Award ;-)
A bientôt
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